Ce colloque ambitionne, dans une
approche pluridisciplinaire et comparée, de mener une réflexion autour des féminismes
depuis la fin des années 1990 à aujourd’hui. Il se veut ouvert à toutes les
approches des Sciences humaines et s’inscrit dans le prolongement des travaux
du séminaire « Femmes et engagement » de l’université de
Cergy-Pontoise[1]. Si des
recherches foisonnantes ont été menées au cours des dernières années sur
l’histoire du féminisme, si des colloques ambitieux ont été organisés autour de
la généalogie des féminismes[2],
nous souhaitons par le biais de cette rencontre, élaborer une cartographie des
féminismes des années 2000, décennie qui semble être un terreau fertile à une
redynamisation du militantisme féministe avec l’avènement d’une nouvelle
génération de féministes et la création de nombreux collectifs aux contours
multiples. Ce bouillonnement militant, cette visibilité et vitalité retrouvées
nous conduiront à dresser un état des lieux des féminismes contemporains,
déclinés au pluriel, tant la troisième vague féministe condense une diversité
de discours, de pratiques et d’identités multiples.
Si une typologie en termes de vague
est régulièrement remise en question par l’historiographie féministe, elle a
pourtant « le mérite de mettre l’accent sur les différents
changements épistémologiques qui, bien qu’ils se soient produits de façon
graduelle, marquent l’histoire du mouvement féministe[3] ».
Ainsi, ce colloque interrogera le concept de troisième vague à l’aune de ses
diversités, de ses contradictions, de ses identités plurielles et de
l’hétérogénéité de ses répertoires d’action. Le concept de troisième vague a
fait l’objet d’une ample théorisation dans les pays anglo-saxons :
conceptualisé pour la première fois aux Etats-Unis en 1995[4],
il s’est enrichi de nouveaux apports au cours des années 2000[5]
qui ont été complétés par les études des chercheuses canadiennes entre 2005 et
aujourd’hui[6].
En revanche, les ouvrages publiés en France sur le sujet, à l’exception des
travaux d’Elsa Dorlin qui font autorité[7],
sont rares, tant le concept de troisième vague est sujet à controverses. En
effet, ce dernier questionne directement la « mutation du sujet du
féminisme[8] »
et nous oblige à décentrer le regard sur les enjeux et les conflits qui animent
les féminismes du temps présent.
Les réticences à
employer l’expression de « troisième vague » dans l’espace européen
s’expliquent également par le fait que la « troisième vague est plus une
question d’idéologie que de génération »[9].
Toutefois, les théoriciennes féministes s’accordent sur le sentiment que
« quelque chose de nouveau vient de commencer »[10]
et sur la pertinence d’employer l’expression troisième vague au sens d’étape la
plus récente du féminisme. Le colloque sera ainsi l’occasion d’aller au-delà de
ces questionnements et de valider ou non la possibilité que les féminismes de
la fin des années 2000 puissent ouvrir la voie à la consolidation d’une
« quatrième vague », qui pour l’heure est vide de cristallisation
idéologique, mais qui prend corps sous de multiples appellations : «jeunes
féministes », « nouveaux féminismes », « féminisme du temps
présent », « féminisme du troisième millénaire », « féminisme du XXIe siècle »,
« post-féminisme ».
L’objectif de cette
rencontre sera donc l’occasion de penser les enjeux du féminisme contemporain
et de comprendre comment ce concept de troisième vague est aujourd’hui décliné,
resignifié ou réinvesti à l’échelle européenne à partir des apports, influences
et emprunts des discours et des répertoires d’action transnationaux, en
particulier anglo-saxons. Nous nous proposons d’articuler ces réflexions autour
de deux grandes problématiques en partant du postulat que le féminisme
contemporain a pour objectif de réconcilier la théorie féministe et la praxis
militante, la recherche académique et l’engagement de terrain[11].
Un premier axe d’études
interrogera la réflexion théorique autour du concept de troisième vague en
partant des discours et des identités qui la compose dans l’espace européen. Un
deuxième axe rendra compte des pratiques militantes et des nouvelles formes
d’engagement qui se sont modifiées au cours des dernières années au rythme des
changements technologiques induits par la révolution numérique des années 1990.
Conférence d’ouverture : Christine Bard, Professeure d’histoire contemporaine à l’Université d’Angers et présidente de l’association Archives du féminisme.
Conférence de clôture : Elsa Dorlin, Professeure de Philosophie politique et sociale à l’Université Paris 8 – Saint-Denis Vincennes.
[1] http://www.u-cergy.fr/fr/laboratoires/labo-cicc/seminaires/femmes-et-engagement.html. Fondé
par Alexandrine Guyard-Nedelec et Karine Bergès en janvier 2013, ce séminaire est rattaché au laboratoire
CICC, Civilisations et identités culturelles comparées.
[2] Citons le
colloque organisé à Angers en 2010 par Christine Bard, « Les féministes
d’une vague à l’autre » (France, XXe siècle) et qui a donné
lieu à la publication intitulée
Les féministes de la deuxième vague, sous la direction de
Christine Bard, Presses Universitaires de Rennes, collection "archives du
féminisme", 2012. Mentionnons également le colloque « Le féminisme à
l’épreuve des mutations géopolitiques » en décembre 2010 dont les actes
ont été publiés dans Picq F.
(dir.), Libération des femmes,
quarante ans de mouvement, Paris, éditions-dialogues, 2010. Plus récemment,
le colloque « femmes,
féminisme et recherches, 30 ans après » s’est tenu à Toulouse en décembre
2012.
[3] Baillargeon M., « La troisième
vague féministe au Québec : une expérience en mouvement », Baillargeon M. et le collectif les Déferlantes (dir.), Remous, ressacs et dérivations autour de la
troisième vague féministe, Québec, Editions du remue-ménage, 2011, p. 12.
[4] Findlen B. (dir.), Listen up: Voices from the Next Feminist Generation,
Seattle (WA), SealPress, 1995; Walker
R. (dir.), To be Read : Telling the Truth and Changing the Face of Feminism,
New York, Anchor Books, 1995.
[5] Heywood L. et Drake J., Third
Wave Agenda. Being Feminist, Doing Feminist, Minneapolis, London,
University of Minnesota Press, 1997 ; Docker
R. et Piepmeier A. (dir.), Catching
a Wave. Reclaiming Feminism for the 21st Century, Boston, Northeastern
University Press, 2003 ; Gillis
S., Howie G. et Munford R., Third Wave
Feminism : A Critical Exploration, Palgrave Macmillan, 2004; Henry A., Not my Mother’s Sister.
Generational Conflict and Third-Wave Feminism, Bloomington et Indianapolis,
Indiana University Press, 2004 ; Reger
J. (dir.), Different Wavelength. Studies of the Contemporary Women’s
Movement, , New York/Londres, Routledge, 2005.
[6] Nengeh Mensah m., « Une troisième
vague féministes au Québec ? », m.
nengeh mensah (dir.), Dialogues sur la troisième vague féministe,
Québec, Editions du remue-ménage, 2005 ; Lamoureux
d.,« Y a-t-il une troisième vague féministe ? », Cahiers du Genre, 2006/3 HS n° 1, pp. 57-74 (http://www.cairn.info/revue-cahiers-du-genre-2006-3-page-57.htm) ; Blais m., Forin-Pellerin l., Lampron e-m., Pagé g.,
« Pour éviter de se noyer dans la (troisième) vague : réflexions sur
l’histoire et l’actualité du féminisme radical », Recherches Féministes, vol. 20, n°2, 2007 (http://id.erudit.org/iderudit/017609ar) ; m. Baillargeon et le collectif les
Déferlantes (dir.), op. cit..
[7] Dorlin e., Bessin m., « Féminismes. Théories, mouvements,
conflits », L’homme et la société.
Revue internationale et de synthèse en sciences sociales, Paris,
L’Harmattan, 2005 ; Dorlin
E., Sexe, genre et sexualités.
Introduction à la théorie féministe, Paris, PUF, 2008.
[8]
Dorlin e., Bessin
m., « Les renouvellements générationnels du féminisme : mais
pour quel sujet politique ? », « Féminismes. Théories,
mouvements, conflits », L’homme et la société, op.cit., p. 19.
[9] Pagé
G., « Variations sur une vague », Dialogues sur la troisième vague féministe, op. cit, p. 45.
[10] Dumont M., « Réfléchir au féminisme
du troisième millénaire », Dialogues
sur la troisième vague féministe, op.
cit., p. 63.
[11]
Une table ronde sera organisée lors du colloque avec des représentant.e.s de
différentes associations féministes crées au cours des années 2000 et actives
sur la scène publique française.